Une crise des pays refuge
Par Jérôme Camus le jeudi 13 octobre 2016, 05:27 - Expression libre - Lien permanent
En ces temps d'inhospitalité, témoignant moins d'une crise des réfugiés ( la France devrait en accueillir 30 000 en deux ans, soit moins d'un réfugié par commune ) que d'une crise de l'Europe remettant en cause le statut des demandeurs d'asile édicté par la convention de Genève de 1951 - obligeant ( tous les pays européens sont signataires ) à accorder un statut de réfugié " à toute personne qui craint avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques " -, et malmenant le principe même des droits de l'homme, il peut sembler opportun de rappeler que près de 80 % des demandeurs d'asile actuels sont déboutés alors qu'ils étaient 80 % à obtenir le statut de réfugié dans les années 1970, époque durant laquelle l'immigration était appréhendée en termes de main-d'oeuvre, et non comme aujourd'hui en termes de sécurité.
Avant le revirement d'Angela Merkel en faveur des réfugiés, les pays traditionnellement accueillants comme l'Allemagne, l'Autriche ou la Suède, avaient révisé leur position en entérinant les accords de Dublin ( et notamment son volet dit Dublin II ), astreignant les réfugiés à demander l'asile là où ils ont posé le pied pour la première fois dans l'Union Européenne, raison pour laquelle la Grèce et l'Italie sont aujourd'hui dépassées alors que les demandeurs d'asile ne veulent pas y rester, soit que le marché du travail y est en crise, soit qu'ils cherchent à rejoindre une famille déjà en Angleterre, Allemagne, Autriche ou Europe du Nord.
Devant l'afflux et afin de soulager la Grèce et l'Italie, la chancelière a donc proposé une répartition par quotas à laquelle s'opposent les pays d'Europe de L'Est - Hongrie, Pologne, Slovénie - et sont réticents ses partenaires du Nord, exprimant en cela le manque de solidarité entre pays européens, et en particulier du Nord envers le Sud. A titre de comparaison, en 2014, l'Allemagne a accueilli 202 645 demandeurs d'asile pour un taux de demandes rejetées de 58 %, alors que la France a enregistré 64 310 demandes d'asile dont 78 % ont été rejetées, et que l'Italie enregistrait 64 625 demandes dont 42 % ont été rejetées. L'invasion dont on nous rebat les oreilles n'existe en réalité que dans l'esprit des Zemmour, Menard et Consorts.
Catherine Withol de Wenden, sous la direction de qui a été publié l'Atlas des Migrations ( Autrement, rééd, 2016 ), estime que : " la fermeture des frontières européennes est responsable en quinze ans de la mort de 30 000 personnes en méditerranée, dont 3000 rien que pour l'année 2015, et déjà 3000 pour la seule moitié de l'année 2016 ".
Commentaires
De 36 à 39 la France a reçu des centaines de milliers de réfugiés espagnols et en 1962 1,2 millions de pieds noirs.
La France à cette époque n'était pas aussi riche que maintenant et a su faire face.
Les gens qui refusent quelques réfugiés comme à Rimogne par exemple devraient se poser la question à savoir s'ils seraient là si cette politique avait été appliquée dans le passé.
Beaucoup de ces méchants ont sans doute des origines italiennes, portugaises, polonaises etc... etc...
Lamentable !
C'est consternant, en effet.
Pour mémoire, les Espagnols arrivés en France entre 1936 et 1939 ( 170 000 dés l'été 1936 fuyant l'avancée des troupes de Franco, 500 000 en février 1939 lors de la victoire définitive des armées franquistes ) furent entassés dans des baraquements, notamment à Argelès et Saint Cyprien ( Pyrénées Orientales ). Ces camps dits alors " de concentration " étaient gardés par des troupes coloniales. Seuls les hommes y furent bientôt maintenus, les femmes et les enfants étant envoyés dans des centres d'hébergement provisoire dans divers départements, essentiellement du centre et de l'ouest. Devant les difficultés, beaucoup choisirent de rentrer en Espagne en 1939 malgré les risques encourus. Certains traversèrent l'Atlantique, vers le Mexique principalement. Fin 1939, 180 000 républicains espagnols restaient en France.
Avec l'éclatement du second conflit mondial, un grand nombre d'hommes s'engagent dans la Légion étrangère et dans des régiments de volontaires étrangers. Certains d'entre eux ( combattants de la Nueve ) seront parmi les premiers à entrer dans Paris le 24 août 1944, avec la 2ème DB de Leclerc.
Les républicains espagnols ont fourni aux maquis un nombre considérable de combattants ( constitution de réseaux d'évasion à travers les Pyrénées, entrée dans des groupes français ou formation d'un mouvement armé autonome, groupe Manoukian ). Le 15 mars 1945, un décret leur octroie enfin le statut de réfugié politique. En 1975, lors de l'avènement de la démocratie en Espagne, 40 000 espagnols avaient encore ce statut. Mais qui de la France ou des réfugiés espagnols est le plus redevable à l'autre dans cette histoire tragique ? Poser la question, c'est y répondre, le don, le sacrifice ont été le fait des réfugiés.
P.S: En 1939, l'opinion publique française était favorable aux réfugiés espagnols ( pas envers les réfugiés allemands fuyant le nazisme, perçus comme une " cinquième colonne " ), alors que les gouvernements Daladier puis Reynaud se sont désintéressés de la question.
Merci Jérôme, en mon nom et au nom des mes compatriotes ....
Juste un petit détail :Les combattants de la Nueve, étaient tous des espagnols qui avaient combattu contre Franco et ils ne furent pas PARMI les premiers à entrer dans Paris, ils furent tout simplement les PREMIERS envoyés en premier lieu avec leurs chars qui portaient les noms de batailles espagnoles.... Ce n'est pas une simple opinion, c'est un fait historique !! Un petit détail : le premier combattant à entrer dans l'Hotel de Ville de Paris fut le soldat espagnol Amado Granell !
Merci pour ces précisions, Carmen, et de m'avoir fait connaître la figure admirable d'Amado Granell.
J'ajoute que ces réfugiés en demande d'asile politique ne coûtent pas un kopeck à la France.
C'est l'Europe avec le fond d'aide aux réfugiés qui finance.
Ces pauvres gens ne vont pas jouer en bourse avec ces 6,8 € par jour pour un homme seul mais dépenseront dans les communes où ils seront.
C'est tout bon pour l'économie locale .
Certains, comme un village en Italie dont j'avais vu le reportage l'ont compris. La fachosphère, elle ne comprend que la peur et la haine de l'autre.
Comme je l'ai déjà écrit suite à la publication d'une résolution du conseil municipal de Vireux Molhain sur le sujet il serait important que plusieurs des français d'aujourd'hui se rappellent que leurs parents,il n'y a pas si longtemps, ont été des émigrants peu importe les raisons.
Ils ont affronté les difficultés de l'intégration avec tout son lot d'insultes,d'inconvénients et de frustration.Aujourd'hui leurs enfants et petits enfants n'ont pas le droit de ne pas tendre la main à ceux qui en ont vraiment besoin.
Un village ardennais, terre d'accueil de migrants
Article paru sur VRG le dimanche 15 novembre 2015